Club Comelles

Frédérique Bedos parle Responsabilité avec le Club Comelles

Publié le 21 novembre 2016

 

Afin de nourrir sa réflexion sur le thème annuel de la « responsabilité », le Club Comelles a reçu Frédérique Bedos pour un dîner-débat passionnant. 

Aujourd’hui journaliste, réalisatrice et productrice, Frédérique a précédemment été présentatrice TV et radio, en France et à l’international. C’est en 2010 qu’elle change de vie et crée l’ONG Projet Imagine, une ONG d’information qui met « un grand coup de projecteur sur les héros anonymes », pour aider ceux qui aident.

C’est en toute simplicité qu’elle a échangé sur ce choix, son projet et son point de vue sur la nécessité pour chacun de prendre une part de responsabilité pour faire bouger les lignes.

 

Dîner-débat Club Comelles avec Frédérique Bedos

 

 

Frédérique a raconté son enfance dans un ouvrage autobiographique, « La petite fille à la balançoire« , une enfance qui explique sans aucun doute ses choix d’adulte. Interrogée sur ses parents adoptifs, dont elle dit qu’ils sont sa première source d’inspiration, elle évoque leur parcours.

Ce couple du nord de la France a adopté une vingtaine d’enfants qualifiés « d’inadoptables » parce que trop âgés, handicapés ou traumatisés. A l’origine de chacune de ces adoptions, il y a une rencontre. Le couple, malgré des revenus modestes, ne se pose pas de questions : il répond à une situation d’urgence. C’est ce qui, « dans un monde qui manque de confiance et nous impose une dictature de la peur, une peur qui nous empêche d’aimer », selon les mots de Frédérique Bedos, rend ce couple si exceptionnel et fait d’eux les premiers « Héros Imagine ».

Finalement, leur vie, leur engagement et leurs choix sont à l’origine du projet qu’elle porte aujourd’hui au travers de ses films pour transmettre « un message de dépassement de soi, non pour soi, mais au profit des autres ».

Mais avant d’aller plus en avant sur le présent, Frédérique Bedos est interrogée sur ses débuts de présentatrice télé, une expérience qui, nous dit-elle, est le fruit du hasard, « pas calculée » : le président d’une chaîne de télévision américaine la repère alors qu’elle est assise à la terrasse d’un restaurant, près de l’école du Louvre où elle étudie. Il lui propose de faire des essais à New-York. Frédérique s’envole pour les Etats-Unis. La caméra ne l’intimide pas, elle devient donc présentatrice. Après plusieurs expériences à l’étranger elle rentre en France poursuivre sa carrière.

Elle affirme : « je me suis réjouis de toutes ces opportunités offertes par la télévision, mais sans perdre mon âme : mon histoire m’a permis de prendre du recul sur le monde clinquant de la télé ».  C’est certainement ce qui lui donne envie, en juin 2008,  de s’engager pour « avoir un impact positif sur le monde ». Frédérique Bedos est alors rattrapée par une quête de sens liée à son histoire de famille.

 

Frédérique Bedos s’engage pour inciter chacun à agir 

Elle porte alors un regard critique sur le rôle de ces médias qu’elle si connait bien. L’impact de la TV – « média qui touche le plus de monde, dans tous les pays et y compris dans des milieux très défavorisés » – et du glissement de la programmation vers des émissions de plus en plus médiocres et anxiogènes l’incite à réfléchir au pouvoir des images.

Frédérique Bedos nous rappelle que les scènes de violence ont été multipliées par quatre à la télévision en dix ans. L’information est devenu un produit comme un autre : « les programmes télévisés doivent générer toujours plus d’argent et on est entré dans une surenchère du sensationnalisme ».
Le monde dépeint à la télé ressemble de moins en moins à la réalité et présente une vision alarmiste et très caricaturale du monde. « Lorsque l’on pense que les médias sont l’un des piliers de la démocratie, le constat a de quoi faire froid dans le dos. Ces caricatures permanentes peuvent aussi expliquer, en partie, la montée des extrêmes », souligne-t-elle.

En parallèle, le monde fourmille d’initiatives individuelles qui proposent, à leur échelle, des réponses aux travers et aux dérives négatives de la société. Malheureusement, la puissance et l’influence considérable des médias ne leur sont pas accessibles. Frédérique Bedos s’empare du sujet. Elle doit trouver un moyen de mettre les médias au service du bien commun, il en est de sa responsabilité.

L’idée lui vient de son enfance : elle repense à ses parents adoptifs, de véritables « héros modestes » qui agissent dans l’ombre… Et si on les mettait dans la lumière pour partager leur engagement, inspirer, donner envie d’agir et créer un mouvement d’engagement populaire qui permettra de construire un autre demain ?

Le projet de l’ONG « Projet Imagine » prend forme : « il s’agit de produire des films à fort impact sur des hommes et des femmes de l’ombre, qui œuvrent pour le changement puis de les rendre accessibles au plus grand nombre, via une diffusion dans les médias du monde entier« . Le projet Imagine doit donner à chacun l’envie d’agir, et d’être acteur du changement.

 

Frédérique Bedos, projet Imagine, invitée du Club Comelles

 

Frédérique Bedos désamorce spontanément d’éventuelles critiques : son but n’est pas de diaboliser les médias, ni la télévision en particulier, qui peuvent être de formidables outils d’information et d’éducation. Il ne s’agit pas non plus de dépeindre un monde « bisounours » et candide :  « Les témoignages à l’origine des films s’ancrent dans du vécu et donc dans le monde réel. Le Projet Imagine ne vise pas uniquement à raconter de jolies histoires et diffuser de beaux messages. Lorsque vous regardez un film Imagine, vous ne devez avoir qu’une seule envie à la fin : vous lever de votre fauteuil, et commencer à agir. Nous voulons diffuser l’espérance », précise Frédérique Bedos.

C’est donc un projet ambitieux qu’elle lance pour inciter chacun à ne pas renvoyer la responsabilité d’agir à autrui. Le projet Imagine valorise ceux qui s’engagent, avec la volonté d’inspirer les autres.

 

Un mouvement d’ampleur croissante

Lorsqu’elle fonde l’ONG en 2010, Frédérique Bedos dispose de moyens très réduits. Les premiers films sont tournés avec une caméra et un micro empruntés. « Personne n’y croyait », se souvient-elle ; « c’était un apprentissage de l’humilité ». Six ans plus tard, près de 400 bénévoles ont rejoint le Projet Imagine.
En tout, trente-trois films ont été réalisés, dont onze par Frédérique Bedos.

En 2015, elle réalise le film-documentaire « Des femmes et des hommes » qui présente  la situation sur la position de la femme à travers le monde qui connait un grand succès. Il est présenté aux Nations Unies à Genève, à New York, à l’UNESCO, à Matignon et à la COP 22. Il a été également retenu dans la sélection de la « Positive Cinema Week » du Festival de Cannes 2016. Il est distribué dans les salles du monde entier.

 

Frédérique Bedos - Club Comelles

 

Interrogée sur les ressources de son ONG, Frédérique Bedos explique qu’il n’est pas facile de trouver des financements mais qu’elle a fait un choix fort« nous voudrions continuer à nous appuyer en grande partie sur des micro-dons de particuliers plutôt que le mécénat d’entreprise. Ils nous donnent une légitimité populaire ». 

Et, au-delà des films, un mouvement d’action est en train de prendre de l’ampleur. Peu à peu, des écoles, des entreprises, des villes ou même des prisons « Imagine » émergent.  Les films sont diffusés dans ces lieux pour créer des synergies et placer chacun face à ses responsabilités : le projet Imagine doit inspirer chacun de ces individus ou entités à être acteurs du changement.

 

Un projet éminemment politique

 A celles qui l’interrogent ensuite sur la dimension politique du Projet Imagine, Frédérique Bedos répond que le mouvement est engagé par nature. Bien qu’il ne fasse l’objet d’aucun partenariat direct avec des partis ou organisations, « le projet est évidemment politique, précise Frédérique Bedos, avant tout parce qu’il s’intéresse à la vie de la cité ». A terme, l’ONG doit pouvoir influencer les décideurs publics.

 

D’ailleurs, en réponse à une question le rôle que pourrait jouer le Projet Imagine dans la lutte contre la radicalisation des jeunes, Frédérique Bedos rappelle que Daesh recrute avant tout grâce aux médias.« L’organisation alloue un budget illimité à l’audiovisuel, et a compris que les images étaient le nerf de la guerre. Des films extrêmement bien montées et romancés circulent sur les réseaux sociaux, porteurs de messages calibrés pour séduire une jeunesse idéaliste, en quête de sens », précise-t-elle. L’ONG Imagine peut donc lutter sur ce terrain en produisant des films qui parlent également à la jeunesse « en les poussant non vers la mort mais vers l’espoir et à l’action. L’ONG propose du contenu qui peut orienter et ramener les jeunes vers les valeurs de la vie ».

 

Frédérique Bedos conclut son intervention en évoquant une soirée qui a rassemblé, en mai dernier, les « amis Imagine » à la Cigale de Paris. Sur scène se sont succédés, autour des grands mouvements d’engagement qui ont changé le monde, des artistes, des danseurs, et des “Héros Imagine”. La fête mélangeait les origines et les classes sociales. « Finalement, à la fin de la soirée, chacun est reparti chez lui en sachant que le vivre-ensemble était possible, parce qu’il l’avait vécu dans sa chair ».

C’est ce qui fait la force du projet Imagine : placer chacun face à ses responsabilités, non en culpabilisant ou en accusant, mais en inspirant. En conclusion, Frédérique  affirme : « Il est urgent que nous prenions le risque de nous aimer« 

 

Dîner-débat Club Comelles avec Frédérique Bedos

 

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